Chères enseignantes, chers enseignants,

4 jan

Chères enseignantes, chers enseignants,

Hier, c’était Noël, aujourd’hui, le Nouvel An. Entre les deux, écoles fermées, cartables rangés, j’ai eu envie de vous parler.

Vous dire que je vous lis. Je lis vos cartes blanches dans les journaux. La dernière en date, c’est celle de Fabian, professeur de géographie, qui estime qu’« il existe un réel décalage entre la conceptualisation de l’enseignement vue par les technocrates au pouvoir et la réalité du terrain » (La Libre, 19 décembre 2016, p.45). Je vous lis sur Facebook, sur les sites web de partage d’enseignants. Je lis vos nombreux courriers. Ceux des professeurs de religion ou de morale, qui depuis septembre, donnent également le nouveau cours de Philo et Citoyenneté, dans des conditions parfois peu évidentes. J’apprends que certains ont des classes de 35 enfants, des trajets encore plus nombreux qu’avant, que c’est – vraiment – très dur. Sur un marché, moment inattendu, Aurélie vient me trouver : « Je sais que personne ne vous le dit, mais dans ma commune, ça se passe bien, le Pouvoir organisateur a fait le maximum pour que chacun trouve sa place ». Je vous lis chaque jour, parce que pendant 10 ans, l’école a été mon quotidien.

Vous dire que je vous rencontre. Dans n’importe quelle école, et pas dans des écoles sélectionnées, comme certains le pensent. Ces rencontres sont autant de preuves de votre engagement :

  • à Mont-Sur-Marchienne, direction, enseignants et parents se sont unis pour créer une classe inclusive d’enfants différents dans une école ordinaire ;
  • à Liège, dans une école spécialisée, François (directeur) et ses éducateurs m’expliquent qu’ils ont été cambriolés, que parfois, ils doivent contenir certains élèves, mais aussi qu’hier, un ancien est venu leur dire qu’il avait trouvé du travail et que cela a éclairé leur journée ;
  • à Etterbeek, la Fondation pour l’Enseignement me présente le programme de formation des enseignants en entreprise « Entr’apprendre » ;
  • à Charleroi, où une professeure de Maths s’est lancée dans une méthode alternative, celle de la classe inversée, et obtient d’étonnants résultats, entrainant dans son sillage ses collègues de 3ème année ;
  • à Bruxelles, où les équipes redoublent d’imagination dans des bâtiments devenus trop petits pour accueillir tous les élèves, ce qui génère de nouvelles problématiques, dans les réfectoires ou les couloirs ;
  • à Namur, où des enseignants se transforment en coaches pour l’équipe de Skills Belgium, ce concours européen des métiers techniques et technologiques.

Je vous rencontre aussi dans les Centres PMS, où vous me rappelez que les situations scolaires ou familiales des élèves se complexifient d’année en année, dans les SAS (Services d’accrochage scolaire) où la non reconnaissance de l’ancienneté ne permet pas de maintenir en place une équipe stable.

Plus je partage ces expériences, plus je passe d’échange en réunion et de réunion en échange, plus je me dis que c’est le moment. Pendant presque 2 ans, des acteurs de l’école ont travaillé ensemble à un projet, celui d’un changement systémique, progressif, participatif. Ils ont écrit ensemble un texte, un avis, qui se veut un Pacte pour un enseignement d’excellence. La démarche est innovante, le consensus obtenu l’est tout autant. Ce n’est pas le pacte d’un parti, ou d’un gouvernement, c’est un projet de société, qui s’inscrit dans la durée. Certains diront que c’est un petit peu trop ceci ou qu’il n’y a pas assez de cela. C’est un équilibre, construit autour de leviers essentiels.

Mais vu l’ampleur du processus, c’est normal que vous exprimiez vos inquiétudes.

Je sais qu’en maternelle, se retrouver avec 30 petits de 2 ans et demi est exigeant. C’est pourquoi il faut revoir les moments de comptage pour coller au plus près de votre réalité. La norme d’encadrement en maternelle est inférieure à la moyenne de l’OCDE. Le Pacte d’excellence prévoit 50 millions d’euros pour renforcer cet encadrement, avec des institutrices, des puéricultrices ou encore des enseignants FLE (Français Langue Etrangère).

Je sais qu’en primaire vous vous demandez comment différencier davantage, qu’au premier degré la gestion des écarts entre les élèves vous préoccupe. Ce tronc commun dont tout le monde parle commencera avec une cohorte d’enfants de 3 à 8 ans. Il s’allongera seulement à l’arrivée de cette cohorte en 3ème année. Ce nouveau parcours pourra réussir grâce à la mise en place de nouveaux dispositifs de remédiation, en classe, dans la grille horaire, en dehors de la grille. Le financement est prévu.

Je sais que vous vous plaignez du trop grand nombre de circulaires, de la lourdeur des contraintes administratives. Vous avez entendu parler des plans de pilotage, vous craignez que cela signifie davantage de contrôles. La logique du Pacte, c’est tout le contraire : demander aux équipes pédagogiques de se fixer des objectifs et leur donner l’autonomie nécessaire pour les atteindre. Ce n’est que si les objectifs ne sont pas atteints qu’un accompagnement spécifique sera mis en place.

Le Pacte, c’est aussi la volonté de rentrer dans des démarches nouvelles, comme le projet « Prof’essor », inspiré du « leerkracht » des Pays-Bas, qui est illustré par cette phrase : « s’améliorer chaque jour un petit peu plus ensemble ». Ce projet met en place des pratiques collaboratives avec des outils très simples : un tableau blanc, des échanges pédagogiques et des visites entre pairs. Cécile, une professeure de français, qui témoigne de son travail en CPU (la certification par unités, modèle européen qui valide un profil métier, par la réussite de modules), en résume l’ambition : « Faire entrer la coopération dans les méthodes d’apprentissage afin de l’expérimenter, me semble en ce sens porteur de changement pour l’élève et pour la société tout entière. (…) Ne donnerait-on pas une nouvelle enseigne à l’école ? » (La Libre, 21 novembre 2016).

Et puis surtout : tout n’est pas figé aujourd’hui. Les acteurs du Pacte retournent vers leurs instances, gouvernement et parlement doivent ensuite se saisir de l’avis pour l’opérationnaliser. Une phase où votre avis sera essentiel. Nous nous rendrons dans tous les arrondissements de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour le recueillir, parce que les évolutions, quelles qu’elles soient, doivent être praticables sur le terrain. Vous pouvez aussi participer aux rencontres du Pacte (sur 6 thèmes, dans 5 grandes villes durant les 3 prochains mois) qui s’adressent directement aux équipes pédagogiques (http://www.pactedexcellence.be/comment-participer/nouveaux-ateliers-pedagogiques-les-enseignantes-et-les-equipes-pedagogiques-ont-la-parole). Vous pouvez également lire le projet d’avis, ou une synthèse de celui-ci, à l’adresse www.pactedexcellence.be.

 

J’avais envie de vous dire que je vous lisais, et de vous répondre. Cette démarche constitue pour moi une étape supplémentaire de nos échanges. Cette page est prête à recevoir vos commentaires, quels qu’ils soient.

Je vous souhaite une année 2017 pleine d’audace, de projets, et de bonheurs au quotidien.

MMS

 

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